Innover en façade dans la construction bois

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Fordaq JT
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En droite ligne de la démarche d'un Jean Prouvé, l'agence Studiolada s'entête, dans le cadre d'une simple petite extension d'EHPAD, à aller jusqu'au bout de sa démarche d'association de dalles de pierre à uns structure en bois. Parallèlement, dans le cadre des Tremplins Carnot, un groupement de centre d'essais est parvenu à débloquer des moyens financiers importants pour développer entre autres des solutions mixtes, dont l'une des premières manifestations à été en octobre dernier une rencontre technique publique façades minérales sur support bois, dans le cadre de la manifestation Woodrise Festival.

Qui fait l'innovation dans la construction ? Bonne question que les Tremplins Carnot se sont sans doute posés avant que ce dispositif n'accorde une enveloppe de 20 millions d'euros à un groupe de laboratoires de recherche regroupés au sein de l'association MECD. Comme chacun d'eux est spécialisé dans des matériaux complémentaires, la conclusion est vite tirée, selon laquelle ce groupement est particulièrement adapté pour faire émerger de nouvelles solutions constructives, notamment dans le domaine de la mixité des systèmes et du recyclage. De fait, ces mêmes laboratoires sont parfaitement au fait de la tare inhérente au filières actuelles qu'ils bordent, et qui sont par trop rivés sur leur matériau de prédilection, en négligeant les partenariats et une vision transversale et ouverte. Le Bâtiment français a certes eu droit à une longue phase de construction tout béton, mais cela ne veut pas dire qu'elle gagne à être relayée par du tout bois par exemple. Ce serait tout bonnement impossible. Par contre, les combinaisons vertueuses entre le bois et d'autres matériaux comme le béton, l'acier voire la brique restent encore à explorer. Même si l'association bois-béton d'une part, et bois-acier de l'autre, est déjà bien développée sur le terrain par des acteurs multiples, qui ne sont d'ailleurs pas des laboratoires d'essai. Il est vrai qu'on n'avait pas encore vraiment exploré l'option d'une structure en bois et d'une façade minérale rapportée, notamment dans la perspective de constructions urbaines de hauteur conséquente. La Rencontre organisée dans le cadre du Festival Woodrise avait donc son originalité et c'était une première plongée dans le concret de MECD, si on laisse de côté les annonces d'alliances FCBA-CERIB sur les tests en relation avec la performance incendie des ouvrages et systèmes constructifs. 

Il fallait y être car rien d'autre que le programme assez général des interventions n'est disponible à ce jour, dans l'attente de retombées dans la presse spécialisée. Apparemment, une première partie de cette Rencontre a donné la parole à des promoteurs (Fayat Immobilier, Icade/REI, Kaufmann & Broad, Nexity) ainsi qu'à Graam Architecture. Une seconde partie se tournait vers des acteurs industriels de la façade : Labelfaçade, Rocamat, Terreal, Xella, Fischer. Si l'on prend l'exemple de Labelfaçade, l'avis technique actuel limite l'utilisation de ce type de façade à des constructions bois en R+2.

La minéralité est envisagée pour permettre aux constructions bois de passer inaperçues dans un environnement urbain ou ces façades minérales habillent souvent déjà le béton brut. Comme ça, fini les discussions autour du vieillissement du bois, qui mettent la construction bois sur la sellette à Lyon mais aussi à Bordeaux. Par contre, si on veut monter en hauteur, la minéralité sera au mieux le garant du caractère incombustible du parement, mais ne jouera sans doute pas un grand rôle en termes de performance de la solution de façade face à l'incendie, car tout se jouera derrière la façade, à la jonction avec la structure bois. Il faudrait une forte poussée de la construction bois multi-étage pour que les industriels de la façade décident de développer des solutions validées. 

Jusqu'à maintenant, si on prend l'exemple de Techniwood, c'est sous l'impulsion de cet industriel qu'on été développées les solutions d'ancrage spécifique du Panobloc sur différents supports. Les laboratoires d'essai ont joué leur rôle mais nul doute que l'industriel était à la manoeuvre. Pour Techniwood et son Panobloc en bois, il était vital de disposer de solutions fiables pour s'ancrer sur les différents types de structures (minérales) qui sont le commun du marché. Avec les façades minérales sur support bois, c'est un peu l'inverse à tout point de vue. S'il est judicieux de réfléchir à la façon d'accélérer les processus d'innovation dans la construction au moment d'une accélération du changement climatique (le Bâtiment comme la flore ne parviendra pas à suivre le rythme des bouleversements tout seul), il reste à prouver dans le concret qu'un dispositif comme MECD apportera des résultats concrets et utiles. 

En attendant, la coïncidence des calendriers fait qu'à l'autre bout de la France, à Vaucouleurs, la petite agence nancéenne Studiolada a réussi à mener à son terme une démarche d'Atex qui engageait également le BE Barthes Bois, le cnstructeur bois Maddalon et un fournisseur de pierres locales. Dans le cadre de l'extension d'une EHPAD, par ailleurs au sein d'un service consacré notamment aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer, Studiolada a voulu trouver un moyen économique pour associer une structure bois palpable à un parement extérieur naturel. Par tâtonnements, l'agence a débouché sur une solution où des poteaux sont vissés en atelier sur les montants de l'ossature bois. Ensuite, des tasseaux faisant office de parclose et pourvus de joints EPDM sont vissés sur ces poteaux pour encadrer des plaques de pierre de 4 cm qui sont en fait au format des dalles de sol, soit 30x60 cm, ce qui tombe bien. Les plaques s'empilent en appui sur une goupille métallique qui ménage un filet de ventilation et facilite le remplacement éventuel d'une dalle abîmée.

Les architectes se sont dit que l'approche parclose sert bien à solidariser des vitrages dans un ouvrant de fenêtre en bois. Contraints par le budget, les architectes ont gardé en vue les solutions les plus économiques, et comme ils sont architectes, ils n'ont pas non plus négligé l'aspect général. Les laboratoires d'essai ont joué leur rôle pour tester la solution en termes de résistance aux chocs. 

A présent s'ouvre pour la construction bois une toute nouvelle voie pour marier en façade le bois et des éléments minéraux. L’ATEX est constituée de deux parties, dont la première, qui porte spécifiquement sur la structure, serait reproduisible pour un projet de bâtiment public dans le cadre d’une ATEX de type C. Par ailleurs, ce type de solution peut servir à marier le bois à d’autres pierres régionales, mais aussi, comme le précise l’architecte, à la terre cuite émaillée ou non, au grès cérame en 2 cm d’épaisseur ou, pourquoi pas, à l’option économique des dalles de terrasse en béton. Studiolada a fait du MECD sans le savoir. D'autant que si l'on prend justement cette option des dalles de sol en béton, on est dans la démontabilité et le ré-usage, car une plaque peut resservir comme dalle, même si la réutilisation des poteaux est moins évidentes compte tenu du vissage. Du grès cérame peut également resservir à l'horizontale, idem pour toutes ces plaques en pierre naturelle qui sont proposées en dallage au format standard de 30 x 60 cm. 

Cela n'est pas sorti du chapeau d'industriels de la façade minérale qui misent en général sur le système d'ancrage avec ossature primaire et secondaire. Mais justement, on ne demande pas à ce que la structure bois dispose des mêmes possibilités d'habillage que le béton, ce n'est pas l'enjeu des Tremplins Carnot et de MECD. AU delà même de cet enjeu, la question, c'est de permettre à l'architecture bois d'être pertinente, compétitive et la plus performante en termes de bilan carbone. 

Hier encore, la solution parclose de l'équipe autour de Studiolada n'aurait pas marché car le pin classe 4 avait une teinte verte assez laide. Sans parler des solutions de vissage adaptées. Maintenant, on peut se demander jusqu'à quelle hauteur ce type d'ouvrage pourrait monter, et aborder dans la foulée la question du feu. C'est là qu'interviendront utilement des parements spécifiques comme ceux de Xella ou Siniat, en créant éventuellement une barrière entre le dispositif de façade et la structure, à moins d'y associer une structure en CLT. Et c'est là que les laboratoires pourraient entrer en lice, ou des chercheurs, en étudiant jusqu'où il serait possible de monter et comment circonscrire une solution générique, affranchie des ATEX et des avis techniques. A la clé, la façade bois serait au moins théoriquement du ressort du constructeur bois et pas d'un façadier. Une démarche qui ne peut qu'être douloureuse sur le plan psychologique, à la fois pour le monde des industriels de la façade, et pour les laboratoires d'essai, mais qui met encore une fois le doigt sur les risques qu'encourent les phosphorants des Tremplins Carnot en chargeant des laboratoires d'essai, et dans la foulée les seuls industriels, de faire de l'innovation utile. 

 

Photographie : Ludmilla Cerveny 

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